Pour son deuxième long métrage, Asmae El Moudir se permet un prix à Cannes et pas des moindres. Prix de la Mise en scène à Un Certain Regard pour « La mère de tous les mensonges », un documentaire d’une humanité rare. Critique.
« Tu n’es pas réalisatrice, tu es journaliste » scande la grand-mère autoritaire de Asmae El Moudir, personnage principal de la nouvelle œuvre de la réalisatrice. Et pourtant, la vie changera la donne et la 76ème édition du Festival de Cannes prouvera le contraire. La réalisatrice marocaine est bien une cinéaste à la vision authentique, à la démarche courageuse. Avec un prix de la mise en scène qui fait du bien au Maroc, Asmae El Moudir rentre dans la cour des grands.
La consécration du courage
Mise en scène intelligente autour d’un dispositif brillant où elle se raconte et raconte l’histoire de sa famille à travers des figurines fabriquées par son père, la réalisatrice reconstitue des faits, refait l’enfance, les blessures, les traumatismes. Elle raconte un quartier de Casablanca où sa famille habite et qui a connait l’horreur un jour de juin 1981. Le mutisme autour de cette histoire disparait peu à peu. Les photos détruites se reconstituent. « Ma grand-mère n’aime pas les photos. On a aucune photo à la maison mise à part celle de Hassan 2 » confie la réalisatrice dans un film aussi fluide que sincère, où rien n’est à enlever et rien n’est à ajouter. Un film équilibré et sobre où la caméra touche les cœurs, les tripes , les âmes. La narration est précise et sophistiquée, elle nous révèle des secrets au fur et à mesure et l’on comprend l’histoire d’une famille dans l’Histoire d’un pays. Avec « La mère de tous les mensonges », que la réalisatrice a mis 10 ans à fabriquer comme on dissèque une vie et un passé, Asmae El Moudir confirme un talent pour un cinéma unique et une vision bien à elle. Talent à suivre.