Mohamed Zineddine prépare son nouveau film, Until Dawn, une œuvre qu’il décrit comme « une plongée sensorielle dans la mémoire d’un adolescent », et qui s’annonce comme l’une des propositions cinématographiques les plus attendues des prochains mois.
Inspiré du roman Tentative de vie de Mohamed Zefzaf, le film prolonge une rencontre vieille de trente ans. « En 1992, j’ai eu la chance de rencontrer Mohamed Zefzaf chez lui à Casablanca, avec l’intention de réaliser un documentaire sur lui », raconte Mohamed Zineddine. « Pendant plus de cinq heures d’entretien, je n’ai pas osé prendre la moindre note tant j’étais captivé par ses paroles. De cette rencontre est né le scénario de mon tout premier film, Réveil. » Aujourd’hui, Until Dawn devient l’occasion de poursuivre ce dialogue intime avec l’écrivain, en transposant son univers « sans rien altérer de sa force, de sa fièvre et de sa poésie ».
Le film se situe dans les années 1970, une décennie qui, pour le cinéaste, porte à la fois « les stigmates, les atmosphères et les fractures » du Maroc d’hier, mais aussi les racines de celui d’aujourd’hui. « Nous avons grandi dans un climat lourd, marqué par les grèves, les tensions politiques, sociales et économiques… Cette époque a façonné notre regard sur le monde : elle nous a appris la défiance, la lucidité mais aussi une forme de résistance intérieure ».

Pour traduire cette mémoire, le réalisateur mise sur une expérience sensorielle brute. « La lumière, le son et les lieux deviennent des prolongements de l’état émotionnel des personnages », explique-t-il. Pas de musique illustrative ici : l’acoustique se veut réaliste, rugueuse, pour « permettre au spectateur de ressentir la matière même du réel, plutôt que de le tenir à distance ». Chaque décor, du port aux bars saturés de jazz et de bruit, doit « résonner avec l’état intérieur des personnages », jusqu’à devenir un acteur à part entière.
La distribution est pensée dans le même esprit. Pour Hamid, le jeune protagoniste, Zineddine cherche un visage inconnu, « svelte, au visage innocent, doux, presque angélique », capable de mêler fragilité et courage, candeur et révolte. Le duo qu’il forme avec Ghenou, la prostituée, « sera au cœur de l’émotion du film »
Après La Guérisseuse, qui avait connu un bel écho international, Zineddine voit Until Dawn comme une aventure humaine autant qu’artistique : « Il s’agira de rassembler une soixantaine de personnes… et de les convaincre de s’engager pleinement dans cette aventure. Le plaisir réside dans cette alchimie : parvenir à fédérer ces énergies diverses autour d’une vision commune »
Avec ce projet, le réalisateur rend aussi hommage à Zefzaf, « un écrivain profondément intègre, qui n’a jamais cherché ni la gloire ni l’argent ». S’il ne prétend pas « ouvrir une voie vers la littérature marocaine » pour les autres cinéastes, il assume une démarche avant tout personnelle, un dialogue intime entre texte et cinéma, où la mémoire et la poésie s’entrelacent jusqu’à l’aube.
