KHOULOUD KEBALI SUR SON 31 #15

La journaliste et Directrice générale de l’agence de presse Key Media  prend part au mouvement « Les femmes sur leur 31 » et nous livre ses pensées sur la journée de la femme.

  • Que représente pour vous l’expression « Se mettre sur son 31 » ?

L’expression « se mettre sur son 31 » n’a pas le même sens pour moi quand il s’agit d’un homme ou d’une femme. J’y vois une grande différence. Pour la femme j’y vois plus une obligation sociétale d’être toujours présentable, de répondre à des codes de société et de risquer d’être regardée autrement quand on veut être sur son propre trente-et-un et décider de ses propres codes vestimentaires notamment.

  • Le 8 mars alors c’est une journée qui vous agace ?

Au fait, la journée du 8 Mars fait partie des nombreuses occasions de lutte qui ont été travesties à travers des générations et qui sont devenues de misérables petites journées où on offre des roses, de la lingerie, et du chocolat à des femmes. Le 8 mars est devenu une occasion où on rappelle à la femme son rang et sa place dans la société : tout ce qui est bling bling, tout ce qui est trophées à exhiber à différentes occasions… et nous avons oublié l’essence et l’essentiel même de cette journée, c’est-à-dire une journée de célébration non pas de la femme mais de toute la lutte et tous les combats qu’elles mènent depuis des générations. Malheureusement j’ai l’impression, personnellement en tant que citoyenne, en tant que femme, qu’on n’a jamais fini de commencer et de recommencer le combat pour les droits de la femme.

  • Quelle part donne votre programme et votre média à cette journée et à la cause féminine en général?

Ce qu’il faut savoir, c’est que j’ai eu une dizaine ou douzaine d’années d’expérience dans la presse féminine, lors desquelles j’ai essayé à chaque fois de ne pas rentrer dans les codes justement de ce qu’on a fait de la presse féminine : une vitrine en fait, qui renvoie une image à plein de jeunes, qui leur dit que pour être femme vous devez faire une taille de X ou Y, il faudrait vous acheter le dernier sac de telle marque ou telle marque, avoir le dernier rouge à lèvres… et j’ai toujours essayé, quand des pages de reportage terrain n’existent pas, de les ramener dans les magazines où je faisais vraiment un journalisme de proximité, où j’essayais d’aborder les sujets qui touchaient à la femme mais sous un autre angle. Tout ce qui est tabou dans la société, dans une société comme la nôtre… Moi je me souviens un jour, j’avais parlé de la prostitution pendant Ramadan, je m’étais attirée la foudre non seulement des lecteurs mais aussi de mes consœurs et de mes confrères en parlant justement d’un tabou qui touche les femmes, surtout que mon traitement de l’information ce n’était pas pour dénoncer la prostitution mais pour essayer de comprendre la raison qui menait ces femmes dans la rue et de combattre l’idée même que la prostitution est le métier le plus facile au monde alors que non, on ne sait pas ce que vivent ces femmes-là. Et donc à chaque fois j’essayais d’avoir des reportages très terre à terre avec la société, avec ce que nous vivons nous en tant que femmes. La presse féminine a son côté très beauté, très bien-être et très paraitre finalement, Mais elle doit aussi à mon avis – et ça se fait ici au Maroc – de maintenir ce côté vraiment réaliste de ce que vivent et ce qu’endurent – il ne faut pas avoir honte de le dire – les femmes des sociétés comme la nôtre. Et donc pour le 8 Mars je pense que les médias du monde ont vraiment leur mea culpa à faire, parce qu’ils ont aidé à la véhiculation d’une image qui est fausse de la journée du 8 Mars, et aujourd’hui on se retrouve avec de grands tirages « bonne journée de la femme », « bonne fête de la femme », et on ne sait pas que c’est une journée qui célèbre en fait toute la fête qu’on nous fait (rires) dans le monde et comment nous on est traitées et comment on est regardées, et surtout comment on veut qu’on soit et sans nous laisser la moindre marge d’intervention sur notre propre être et beaucoup de femmes finissent par tomber dans le canva de ce que la société voudrait faire d’elle, et c’est vraiment dommage.

  • Et si vous citiez 31 adjectifs qualificatifs de la femme marocaine…

Déjà il faut arrêter de dire « femme » ou « homme ». « Femme » ça veut dire beaucoup de choses. Je pense que dans « femme » il y a les 60 milles adjectifs relatifs à la femme. Elle est forte…j’espère indépendante quand elle le souhaite… une bagarreuse, une guerrière. Une dame velours mais qui se transforme dès qu’on touche à ses enfants ou à ses êtres chers. Une intellectuelle, une chercheuse, une maitresse d’école, une formatrice de générations, pas seulement de métiers… une psychologue, parce qu’on n’arrête pas d’analyser ce qui nous entoure et de comprendre sans forcément demander à ce qu’on nous comprenne donc on pend sur nous-mêmes. Une justicière… mais aussi une mal-aimée, incomprise. Une femme travestie pour être ce qu’elle n’a pas envie d’être forcément. Je voudrais faire une parenthèse… une sportive, une Sahraouiya parce que je viens de vivre un évènement magnifique à Dakhla. Je pense que 31 ça ne me viendrait pas maintenant à l’esprit, non pas parce que je manque d’adjectifs mais parce que je trouve que tous les adjectifs de la planète ne suffiraient pas à décrire ce que nous sommes, mais aussi ce dont on est capables si on nous en laisse l’occasion, et si on nous en donne le droit basique, en fait. Les 31 sont enfouis dans le mot « femme » car elle représente beaucoup plus que ce qu’on pourrait dire d’elle ou comment on pourrait la décrire, voilà.

« Les femmes sur leur 31 » est une action engagée bien féminine initiée par la rédaction de Hola! Maroc et celle de Visage du Maroc. D’une part le média des célébrités marocaines d’ici et d’ailleurs et d’autre part la plateforme qui met en avant les femmes marocaines entrepreneurs dans divers domaines prédominants de la société marocaine. Chaque deux mois, 31 femmes influentes de diverses univers se prennent au jeu de la photo et de la vidéo, vêtues d’un tee-shirt à l’effigie de la campagne « Les femmes sur leur 31 » et nous livrent leurs pensées sur le 8 mars.

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