Le réalisateur présente son dernier film drapé d’un manteau à l’allure Matrix
Le Festival international du film de Marrakech continue de scintiller, accueillant ce sixième jour la première de Everybody Loves Touda, dernier opus de Nabil Ayouch. Le cinéaste marocain a une fois de plus marqué les esprits, foulant le tapis rouge drapé d’un long manteau noir à l’allure Matrix, subtilement agrémenté d’une touche marocaine, signé Ali Drissi. Ça tourne encore pour une histoire de cinéma qui fait parler d’elle.
Un style qui transcende les frontières
Que ce soit dans son cinéma ou son image sur les tapis rouges du monde entier, Nabil Ayouch fait preuve d’une esthétique affirmée. Son apparition lors du Festival international du film de Marrakech, dans une tenue à la fois avant-gardiste et enracinée dans le patrimoine marocain, reflète son approche artistique : fusionner modernité et tradition, tout en brisant les frontières. Avec ce tout dernier long métrage qui met à l’affiche Nisrine Erradi dans le rôle d’une « Cheikha », Ayouch franchit un nouveau cap dans sa longue carrière de cinéaste totalement engagé. Dans « Everybody Loves Touda », le réalisateur ne fait pas que raconter une histoire : il réaffirme son rôle de pionnier, pour un cinéma marocain sans tabous ni freins culturels, un cinéma qui lève très haut la voix universelle de l’amour, de l’émancipation et de la liberté.
Un film qui fait parler
Dans Everybody Loves Touda, Nabil Ayouch met à l’honneur les Cheikhates, figures féminines emblématiques de la musique marocaine. Ces femmes rebelles chantaient l’Aïta, un art traditionnel historiquement réservé aux hommes, et bravaient les interdits pour vivre de leur passion. Adulées par le passé, elles ont été reléguées au rang de femmes marginales dès les années 60/70. À travers son héroïne, Ayouch réhabilite leur héritage en célébrant leur courage et leur résilience. “Les Cheikhates m’ont toujours touché et interpellé. Elles incarnent une force qui me fascine, sans doute en écho à ma propre mère”, confie le réalisateur. Ce film, à la fois hommage et plaidoyer, replace ces femmes au cœur du récit, offrant une voix à celles qui ont été trop longtemps réduites au silence.
Portrait d’un cinéma au service de l’humain
Nabil Ayouch n’est pas seulement un réalisateur, il est un conteur d’histoires profondément humaines. Son cinéma puise sa force dans l’authenticité des récits qu’il choisit de porter à l’écran. Refusant de détourner le regard face aux réalités complexes, il explore les marges, donne une voix aux oubliés, et offre une tribune aux luttes silencieuses. Chaque film de Nabil Ayouch est une immersion dans des univers riches, parfois troublants, mais toujours sincères. Depuis ses débuts, Nabil Ayouch s’attache à explorer les failles et les espoirs de la société marocaine. Ses œuvres, comme Much Loved (2015) ou Razzia (2017), interrogent les tabous et mettent en lumière des récits souvent occultés, avec un regard à la fois critique et empathique. « Les chevaux de Dieu (2012), par exemple, raconte avec une intensité saisissante le parcours de jeunes hommes devenus kamikazes, en mettant l’accent sur les mécanismes sociaux et psychologiques qui les conduisent à une telle radicalité. Ayouch réussit ici à humaniser des trajectoires souvent réduites à des clichés, tout en posant des questions qui dérangent.
Au-delà de son rôle de réalisateur, Ayouch est un militant culturel. Son engagement dépasse l’écran : il se bat pour démocratiser l’accès à la culture et au cinéma au Maroc, notamment à travers son projet « Les Étoiles de Sidi Moumen », un centre culturel qu’il a fondé en 2014. Ce lieu est devenu un véritable vivier de talents, offrant aux jeunes des quartiers défavorisés une opportunité de s’exprimer et de rêver. Cette démarche s’inscrit dans une vision plus large du rôle de l’art dans la société : pour Ayouch, le cinéma est un outil de transformation sociale, un miroir tendu à une société en quête de changement, à la croisée des influences locales et internationales.