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Jihane Bougrine

Artiste majeur de la scène contemporaine marocaine, Mahi Binebine poursuit son rayonnement international. Deux de ses pièces emblématiques, Sans Titre (2023) et Les clés (2010), entrent dans les collections du prestigieux Smithsonian, l’une des institutions muséales les plus respectées au monde.

Reconnu pour sa capacité à transformer la matière brute en récits universels, Mahi Binebine inscrit une nouvelle étape dans son parcours. L’annonce de l’acquisition de ses œuvres par la Smithsonian Collection à Washington vient consacrer une carrière qui a toujours su conjuguer profondeur symbolique et ancrage dans la mémoire collective marocaine.

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Parmi les pièces sélectionnées, Sans Titre (2023), réalisée en papier mâché et techniques mixtes sur bois (50 x 60 cm), incarne cette tension entre fragilité et puissance qui traverse l’ensemble de son œuvre. Face à elle, la sculpture en bronze Les clés (2010) (15 x 50 x 15 cm) prolonge un dialogue autour des notions de passage, de mémoire et de liberté, thèmes chers à l’artiste.

Avec ce geste fort, le Smithsonian reconnaît la singularité d’une démarche artistique qui, depuis Marrakech, a su s’imposer sur les scènes internationales. Plasticien, écrivain, ancien mathématicien, Binebine est de ces créateurs pluriels dont chaque œuvre porte la trace d’une réflexion profonde sur l’humain et ses combats.

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Au-delà d’une consécration personnelle, cette intégration dans une collection d’envergure mondiale participe à l’inscription durable de l’art marocain dans l’histoire des grands récits visuels. Les œuvres de Binebine y dialogueront désormais avec celles qui ont façonné la mémoire universelle.

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La Fondation Tamayouz Cinéma, emmenée par la productrice Lamia Chraibi, lance AYWA, une résidence panafricaine inédite destinée aux réalisatrices émergentes du continent. Entre Rabat et Marrakech, dix cinéastes venues des cinq sous-régions d’Afrique vont écrire, tourner et post-produire chacune un court-métrage. Une initiative ambitieuse, soutenue par l’UNESCO et portée par une conviction : donner aux femmes la place qu’elles méritent dans le cinéma africain et international.

Un projet collectif, une vision singulière

La résidence AYWA s’inscrit dans la continuité des Tamayouz Ateliers Pro, mais franchit un cap décisif : elle se veut résolument panafricaine. Pendant six semaines, réparties en quatre sessions, dix réalisatrices de 18 à 35 ans, déjà expérimentées dans le court-métrage, travailleront dans des conditions professionnelles. L’objectif : aboutir à dix films aboutis, prêts à circuler sur la scène internationale, et constituer ensemble une série anthologique panafricaine reliée par un fil narratif commun ancré au Maroc.

Lamia Chraibi affirme : « AYWA est née de la conviction que nos récits ont une puissance universelle, à condition de les dire avec sincérité, liberté et exigence. Offrir à ces réalisatrices un cadre de travail rigoureux, mais profondément bienveillant, c’est leur permettre de se déployer pleinement et de faire entendre des voix nouvelles, fortes, venues de tout le continent. C’est aussi poser un acte de foi en l’avenir d’un cinéma africain pluriel, ambitieux et résolument féminin. » 

La démarche repose sur un double enjeu : permettre à chacune d’affirmer une voix singulière, tout en nourrissant une œuvre collective. Cette articulation entre individualité et collaboration reflète une conviction profonde de Lamia Chraibi : « Il s’agit de mettre le collectif au service de la création et de la créativité tout en permettant à chacune d’exprimer sa singularité. » 

Donner un avenir aux voix féminines africaines

La sélection 2025 illustre cette volonté de diversité : chaque sous-région du continent est représentée, pour créer un dialogue entre sensibilités, traditions et esthétiques. Comme le souligne Lamia Chraibi : « Réunir des cinéastes des cinq grandes régions du continent permet de créer un dialogue unique entre des sensibilités, des traditions et des esthétiques variées. Cette diversité nourrit l’échange, favorise la coopération transnationale et contribue à construire une vision plurielle du cinéma africain, loin des narrations uniformisées. » 

Autour d’elles, un dispositif de mentorat de haut niveau : Hicham Lasri accompagne les participantes dans leur démarche artistique et narrative, tandis qu’Abderrahmane Sissako partage son expérience en ouverture de résidence. Des experts internationaux ,producteurs, monteurs, diffuseurs, coachs artistiques viendront enrichir ce programme.

L’accompagnement ne s’arrête pas au 27 octobre, date de clôture officielle marquée par une rencontre professionnelle et stratégique. Lamia Chraibi insiste : « La résidence continuera à soutenir les résidentes bien après le 27 octobre par l’appui à la diffusion des courts-métrages réalisés au sein de plusieurs festivals et via de multiples canaux. Cela participe d’un travail de facilitation de l’accès aux financements et à la mise en relation avec des coproducteurs, distributeurs et programmateurs. » 

À travers AYWA, Lamia Chraibi entend dépasser les obstacles persistants : manque d’infrastructures, rareté des financements, barrières sociales et culturelles. Comme elle l’explique : « Nous voulons montrer que les réalisatrices africaines ont non seulement leur place, mais qu’elles sont indispensables à l’avenir du cinéma africain. » 

Avec AYWA, Lamia Chraibi trace un horizon clair : faire émerger une génération de réalisatrices africaines reconnues à l’international, capables de raconter l’Afrique depuis leurs propres perspectives. Plus qu’une résidence, c’est un manifeste pour un cinéma féminin africain, pluriel, audacieux et durable.

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Avec Calle Malaga, présenté à la Mostra de Venise, Maryam Touzani transforme une maison en sanctuaire de mémoire, d’amour et de résistance. Porté par une Carmen Maura lumineuse, ce troisième long métrage célèbre la force tranquille d’une femme qui choisit de rester, d’habiter encore la vie, même lorsque l’ombre de la mort et de l’exil s’invitent au seuil.

Dans son troisième long métrage présenté à la Mostra de Venise ce vendredi 29 août, Maryam Touzani filme la vie au coin d’une rue de la Kasbah de Tanger, entre rires et larmes, tendresse et arrachement. Porté par Carmen Maura, « Calle Malaga » se déploie comme un poème de gestes et d’objets, hommage vibrant à une mémoire menacée d’effacement. Avec ce film, la réalisatrice tangéroise signe un film d’une beauté rare, à la fois intime et universel. Après « Adam » et « Le Bleu du Caftan », la cinéaste marocaine poursuit son exploration de la mémoire et de l’intime, mais franchit ici un pas décisif : elle filme la vie comme on filme un visage aimé, avec une délicatesse obstinée, une pudeur lumineuse, une confiance absolue dans le pouvoir des gestes minuscules. 

Le film raconte l’histoire de Maria, une femme espagnole de Tanger, campée avec une grâce inoubliable par la grande Carmen Maura. Maria se voit obligée par sa fille endettée et dépassée de quitter l’appartement où elle a vécu toute sa vie. L’argument est simple, brutal : « tout le monde » est parti, il est temps pour elle de déménager à Madrid. Mais Maria refuse. Son appartement n’est pas qu’un lieu, il est mémoire, refuge, prolongement d’elle-même. Elle y a aimé, souffert, vu mourir ses proches, et continue malgré tout à avancer vers la vie. À travers cette trajectoire intime, Maryam Touzani convoque une mémoire plus vaste : celle des Espagnols de Tanger  dont l’histoire se mêle à celle du Maroc. Le film est un hommage discret à la grand-mère espagnole de la réalisatrice, mais aussi à toutes ces vies partagées entre deux rives, entre deux langues, entre deux appartenances. Calle Malaga fait du cinéma un lieu de mémoire, un geste de résistance contre l’effacement. 

Un art de cadrer la vie comme une caresse

Mais ce film ne se résume pas à la mélancolie. On y rit autant qu’on y pleure. Les dialogues, superbement écrits, trouvent toujours le ton juste : une ironie légère, une réplique inattendue, une pointe d’humour qui surgit au cœur de l’émotion. Maria, avec sa liberté d’esprit et sa vivacité, désarme les injonctions de sa fille, détourne les moments de tristesse par une remarque drôle, un sourire malicieux. Cette drôlerie ne contredit pas la gravité, elle la prolonge. C’est précisément ce mélange , rire et larmes, légèreté et douleur , qui donne au film sa justesse bouleversante. La mise en scène, d’une délicatesse souveraine, donne chair à cette idée. Maryam Touzani filme les objets comme on filme des visages : les robes, les étoffes, les bibelots, les meubles anciens. Rien n’est décoratif, tout est porteur de mémoire. Les tissus bruissent comme des souvenirs, les armoires deviennent des tombeaux de vie, les cadres posés sur les commodes disent ce que les mots taisent. Le spectateur en vient à aimer ces objets comme Maria les aime, à les chérir comme des prolongements de son être. Cette attention extrême se retrouve dans la relation entre Maria et l’antiquaire, superbement incarné par Ahmed Boulane. Entre eux, tout est retenue, douceur, respect. Il y a dans leur lien une humanité simple et profonde, qui se construit dans les gestes quotidiens : un verre de thé à la menthe, un tissu caressé, un objet déplacé, une virée à Asilah, un vinyle retrouvé. La réalisatrice filme l’infime avec une intensité qui bouleverse. L’émotion naît de cette justesse, de cette façon de faire affleurer la douleur sans jamais la souligner.

Comme dans ses films précédents, la cinéaste préfère le murmure au cri, le silence au discours. Mais ici, elle y ajoute une dimension nouvelle : la tendresse comme arme, comme forme de résistance. Face à la pression du départ, face aux injonctions du monde extérieur, Maria oppose sa lenteur, son attention au présent, son refus de céder à la logique de l’oubli. La caméra épouse ce mouvement. Elle ne force rien, elle respire. Elle s’attarde sur un bout de visage, sur une robe suspendue, sur un rayon de lumière qui traverse la pièce. Elle laisse le spectateur habiter l’espace, comme Maria l’habite encore. En filmant ainsi, la cinéaste transforme l’appartement en véritable personnage : une mémoire de pierre et de tissu, un lieu habité qui devient métaphore de la persistance du lien.

Avec Calle Malaga, Maryam Touzani compose son film le plus tendre, mais aussi le plus politique. Parce qu’il raconte le déracinement et le refus de l’exil. Parce qu’il montre qu’aimer un lieu, un objet, une maison, ce n’est pas céder à la nostalgie mais choisir de résister au rouleau compresseur de l’oubli. Trois films, et déjà une œuvre qui s’impose comme une des plus singulières du cinéma arabe contemporain. Un geste qui prolonge le dialogue artistique qu’elle entretient depuis ses débuts avec son producteur Nabil Ayouch, compagnon de route essentiel. En filmant Maria qui, malgré la mort des siens, malgré l’usure du temps, continue d’avancer vers la vie, Maryam Touzani rappelle que le cinéma n’est pas seulement là pour raconter des histoires. Il est là pour sauver des fragments de mémoire, pour donner un visage aux vies effacées, et pour transformer la délicatesse en force.

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