Interview exclusive avec la star internationale et l’icône du cinéma marocain dans un tandem unique
Retour sur un événement cinématographique qui a marqué la rentrée culturelle, celui du premier film de Redone « Lbatal », marquant la naissance d’un duo très prometteur pour le cinéma marocain. Interview croisée et émouvantes de la star mondiale et de l’icône nationale du 7ème art, Omar Lotfi.
L’enfant prodige du Nord du Maroc rentre dans sa peau de pur Chamali, nous faisant presque oublier sa face de monstre sacré de la production musicale internationale, ayant contribué à l’éclosion de grands noms de scène musicale mondiale, à l’instar de Lady Gaga. RedOne nous parle de Nadir Khayat, de son pays, de sa femme, de ses enfants, de sa maman et de son Roi… Le producteur nous raconte sa rencontre avec Omar Lotfi, son nouvel ami, frère et associé pour le meilleur et pour le cinéma !
« Le Roi est incontestablement ‘Lbatal’, notre Batal à nous tous »
Pour nous, il est The One & the only et, justement, c’est ainsi que l’enfant chéri du Nord a décidé de nommer son aventure à ses débuts. Mais c’était sans compter sur l’humilité et la grandeur de l’âme de celui qui a collaboré avec Jennifer Lopez, Michael Jackson, Madonna … Il s’était dit que « The One c’était trop prétentieux ! » Il finit par s’inspirer du prénom d’un de ses proches amis : Redouane. « Alors, ce sera RedOne, le rouge du drapeau », qu’il vénère tant.
« HOLA ! Maroc me rend fier ! », c’est ainsi que démarre cet entretien tenu au Four Seasons Casablanca, à quelques heures de l’avant-première du film « Lbatal », qui veut dire « héros » et qui nous sert de thématique si forte pour mener cette interview. RedOne, ce géant de la musique mondiale, humble et discret, ne se reconnait pas être un héros, mais nous parle de ses trois héros : sa mère, sa femme et son Roi!
« Ma mère nous répétait toujours qu’il faut écouter le Roi, suivre le Roi et aimer le Roi », nous déclare avec cœur Nadir. Et le destin a fait que RedOne a pu se rapprocher du Roi et confirmer la véracité flagrante de ce que lui inculquait sa mère dans sa tendre jeunesse concernant le Roi. « Le Roi est incontestablement ‘Lbatal’, notre Batal à nous tous ». Dans la vie, être Lbatal, selon le producteur, c’est faire preuve de rigueur comme ligne de conduite : dans sa vie, dans son travail, c’est la valeur clé pour la réussite. Cette même valeur qu’il a trouvée chez Omar Lotfi et qui a permis cette association et cette aventure d’une nouvelle entreprise de production cinéma, qui compte aussi l’adhésion d’Adil Khayat, l’heureux frère de RedOne. « Nous avons plusieurs projets qui arrivent, ‘Lbatal’ est un premier film qui aura d’autres frères et sœurs ». Ce concept de sérieux à toute épreuve est une véritable valeur qui le lie à sa femme et à ses deux enfants. « Ma femme et moi nous nous complétons, j’ai besoin d’elle ! Ma femme est mon héros. » Avec une modestie manifeste, Nadir finit par reconnaître les spécificités de tout le Nord du Maroc, « Il est vrai que chez nous au Nord, tout le monde respecte l’environnement et les devoirs civiques élémentaires du quotidien« .
« Ma femme et moi nous nous complétons, j’ai besoin d’elle ! Ma femme est mon héros. »
Nous comprenons maintenant cette incroyable amitié et complicité, basées naturellement sur des idéaux communs de leur éducation forgée dans le fin fond des montagnes du Maroc, de part et d’autre de l’Atlas : oui, le Nord de RedOne et le Sud de Omar Lotfi. Cette trame bien marocaine caractérise le Made in Maroc, sur le plan humain aussi.
« Je suis persuadé qu’il y a toujours un calendrier divin qui orchestre les rencontres, elles opèrent ainsi par magie. Dans ce cas, c’est un cœur qui parle à un cœur avec cœur et l’être vivant devient profondément pénétrable ! »
- Votre collaboration avec RedOne semble marquée par une grande complicité. Comment décririez-vous cette relation ?
Dans la vie courante, les belles rencontres ne se font jamais par hasard. Je suis persuadé qu’il y a toujours un calendrier divin qui orchestre les rencontres, elles opèrent ainsi par magie. Dans ce cas, c’est un cœur qui parle à un cœur avec cœur et l’être vivant devient profondément pénétrable ! Cette rencontre avec RedOne est pour moi une osmose énergétique dont je reconnais la puissance, la force, la générosité de cet homme. Et quand cela se produit alors que nous sommes à bout de souffle dans notre vie, la rencontre se traduit comme un don du ciel. Je pense que Dieu m’a envoyé RedOne ! Il est bien plus qu’un collaborateur, c’est un partenaire au sens profond du terme. Il a cette capacité unique de comprendre une personne mieux qu’elle ne se comprend elle-même. Lorsque nous nous sommes rencontrés, nous avons immédiatement ressenti cette connexion créative. Mais nous avons décidé de prendre notre temps pour bâtir cette relation, ce qui nous a permis de nous connaître réellement. C’est grâce à lui que j’ai pu réaliser mon premier long métrage quatre années après notre première rencontre. C’est le temps de Dieu !
- Vous avez mentionné que RedOne vous a vu comme un réalisateur avant même que vous vous en rendiez compte. Comment cette reconnaissance a-t-elle influencé votre parcours ?
L’ironie fait que, dans la vie d’artiste, nous sommes touchés par cette fragilité humaine à tel point qu’on devient comme une trame blanche, prête à être imprimée. Et cette rencontre avec RedOne a imprimé une nouvelle page dans mon histoire après celle du chapitre avec Noureddine Lakhmari pour Casanegra. Ce projet de film Lbatal a eu lieu sous forme d’un partenariat, alors que j’étais venu juste lui proposer un film et avoir son égide. Il a su voir un potentiel en moi que je n’avais jamais envisagé. Il possède une expérience, une vision et une générosité qui vous donnent des ailes. Il m’a encouragé à donner le meilleur de moi-même. Cette confiance qu’il a placée en moi a été un moteur essentiel pour me dépasser et concrétiser ce projet.
« Il a cette capacité unique de comprendre une personne mieux qu’elle ne se comprend elle-même »
- Avant cette collaboration, vous avez eu un parcours atypique, notamment dans le théâtre. Quelle place a-t-il eu dans votre développement personnel et professionnel ?
Je ne viens pas du monde du cinéma, et je n’ai encore moins l’envie de devenir un jour comédien ! L’expérience des planches fut pour moi une sorte de thérapie pour combler tous les manques que je ressentais dans ma vie de jeune de 18 ans, alors que j’évoluais dans une autre vie professionnelle. Je viens du monde de l’hôtellerie. Ce fut ça, ma chance : passer par le conservatoire de Casablanca durant six années et être impacté par de fortes personnalités de la comédie marocaine, avec lesquelles j’ai eu cette opportunité incroyable de me forger dans les tournées des villages. L’acteur devient tout à la fois guichetier, décorateur, acteur… Et sans transition, laissez-moi vous dire que ma carrière aujourd’hui dans le cinéma tenait à 20 dirhams près ! J’ai été appelé pour le film Casanegra pour un rôle de figurant, et je n’avais même pas d’argent pour faire des allers-retours au studio d’enregistrement. Et encore une fois, c’est l’œil du grand réalisateur Noureddine Lakhmari qui a marqué mon destin en me confiant le premier rôle dans Casanegra !
- Vous avez mentionné que vous n’aviez pas de modèles ou de références dans votre jeunesse. Est-ce que cela a influencé votre manière d’aborder le métier d’acteur ?
Absolument. En grandissant, je ne voyais pas d’exemples qui me ressemblaient ou qui venaient de mon environnement. Mais cela m’a aussi permis de tracer ma propre voie, sans chercher à imiter qui que ce soit. Aujourd’hui, je pense qu’il est essentiel d’avoir des figures inspirantes de tous âges, toutes couleurs et tous horizons, car cela nourrit l’imaginaire des nouvelles générations. L’arrivée de RedOne dans le cinéma marocain vient comme une réponse formidable aux lacunes malheureuses du 7ᵉ art marocain. Comme pour la musique, qui sait rapprocher les jeunes et moins jeunes, le cinéma, qui est le nouveau monde de RedOne, me semble déjà devenir une passion pour lui. Il saura donner la chance et prêter main forte à la jeunesse marocaine, quel que soit son genre et son rang social.
- La transition de RedOne vers le cinéma est pour vous presque naturelle ?
RedOne a toujours baigné dans le monde des jeunes, et son génie est d’en rester toujours connecté. Il a ce don impressionnant et remarquable de vous persuader que vous êtes à la bonne place, et cette fameuse énergie de “positive attitude” qu’il porte naturellement en lui.
- Y aurait-il eu des situations de désaccords ?
RedOne essaye toujours de faire régner sa positivité à toute épreuve. Je suis moi-même quelqu’un qui va faire de son mieux pour ne jamais exporter tous les problèmes. C’est une véritable nature qui vous fait avancer vite. Dans notre domaine artistique, les problèmes influent négativement sur le rendu artistique d’une œuvre, d’un film.
- Qu’a pensé Redone du film la première fois qu’il l’a vu ?
“Gorgeous”, m’a-t-il dit, les yeux brillants, en se levant de sa place au premier rang dans la salle de cinéma du Mégarama ! Il était ébahi par la qualité du film. Au fond de moi, j’étais agréablement surpris par sa réaction. « J’ai éclaté de rire durant tout le film ! ». Nous avons imaginé quatre projets de films, et RedOne est déjà partant pour la seconde aventure !
- Beaucoup de choses se disent sur votre couple avec Farah, comment s’est passé le tournage ?
Je respecte le travail de Farah en tant que directrice artistique du film. Je fais une confiance totale en son talent et en son regard artistique. Je lui ai confié une tâche importante, et elle a eu un rôle déterminant dans la réussite du projet.
- Et votre fille alors, a-t-elle vu le film ? Donne-t-elle des signaux d’une future comédienne ?
Elle connaît toutes les répliques ! Elle adore le monde du cinéma, mais pour l’instant, elle a seulement neuf ans et est encore très jeune pour savoir ce qu’elle sera demain ou si elle deviendra actrice. Je veux qu’elle suive sa propre voie !
- Vous avez mentionné vos origines modestes et vos liens familiaux, notamment avec vos oncles. Comment cela influence-t-il votre vision de la vie et de votre métier ?
Mes racines m’aident à rester connecté à l’essentiel. Mes oncles, qui vivent dans des conditions très simples, m’inspirent par leur sagesse et leur concentration sur l’essentiel. Cette proximité avec la nature et la simplicité de la vie me permet de garder les pieds sur terre, même dans un milieu comme celui du cinéma. Je pense être un pur produit du territoire qui m’a vu naître et qui m’a naturellement transmis tout mon patrimoine génétique et culturel. Il n’est de richesses que d’hommes, cette richesse qui prend sa naissance du degré de connexion avec les éléments de la nature. D’ailleurs, l’un de mes deux oncles, Moussa et Houssin, vient de décéder il y a trois mois, suite à une charge mortelle d’un sanglier de la montagne, source d’inspiration et de savoir. Mon oncle Moussa, berger des montagnes du fin fond du sud du Maroc, débordait de sagesse et de savoir philosophique impressionnant, sans même avoir connu les bancs d’école ni quitté son village natal. Il vivait déconnecté de tout, comme il y a un siècle !
- Le monde rural est une bonne base de scénarios de films ?
Un bon acteur est celui qui peut jongler entre plusieurs rôles à jouer, et cela demande de savoir porter plusieurs émotions différentes émanant de grands scénarios. Malheureusement, nous avons une carence de scénarios au Maroc. J’avais un projet de film autour d’une histoire d’amour dans mon village, alors même que ce registre cinématographique, que les Marocains adorent, à l’instar des films indiens qui faisaient rêver toute une génération, n’est pas encore démocratisé ! Il y a une grande soif du public marocain pour la comédie, ceci cache des malaises profonds. J’en ai la preuve. Les Marocains ne sont pas prêts pour des histoires d’amour, des histoires romantiques. C’est un rejet anormal. Comment se fait-il que nous avons été bercés par le cinéma indien, à tel point que nous allions jusqu’à extraire les bandes musicales des films pour continuer de rêver ? Il est peut-être temps de trouver une solution afin de révéler cette réalité cachée ou dissimulée : pourquoi ne pas s’émouvoir avec une histoire d’amour ? Il faudrait peut-être faire un sondage.
- Vous avez bien joué le jeu de la pose photo pour la rédaction de Hola ! Maroc, vous aimez la mode ?
Je ne perds jamais de temps dans le stylisme, je porte ce que j’ai sous la main. J’aime la simplicité, je n’aime pas les accessoires, les montres, les gourmettes. En revanche, j’ai énormément apprécié de porter un smoking chic pour cette séance photo au Four Seasons Casablanca. Cela dit, je ne jure que par la gandoura, que j’attends toujours d’enfiler avec impatience.
- Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui souhaite percer dans le milieu artistique ?
Ne forcez pas les choses. Les opportunités viendront à vous si vous êtes sincère dans ce que vous faites. Et surtout, restez ouvert aux rencontres et aux expériences, car ce sont souvent elles qui façonnent votre chemin.
Photo : Joudi Studio
Stylisme Banzola Collection
Chaussure : IO Shoes
Séance photo réalisée au Four Seasons Casablanca