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Rajae Bezza

« La seule chose que je regrette est que je n’ai pas pu apprendre le berbère  »

Elle vient du Maroc, d’une mère de Khouribga et d’un père de Khemisset. Derrière son joli minois, son teint lumineux et chatoyant, son sourire naturellement enjôleur et son regard déterminé, se cache une femme battante qui a su s’imposer dans les sphères médiatiques d’un grand pays comme l’Italie. Cette berbère affirmée, née en Lybie, sans s’être imprégnée de sa culture et des terres de ses parents, partie à l’âge de 9 ans au pays de la Botte, compte parmi les beaux visages de la télé italienne, notamment pour l’émission satirique Striscia la Notizie et les si belles voix de Radio Zeta L’Italiana, depuis plusieurs saisons. En pleine crise du coronavirus et de Bologne, sa région de résidence et celle où l’épidémie s’est déclarée après la Chine, la jeune marocaine se confie.

  • Comment vivez-vous ce confinement dans le pays européen le plus touché?

Ce moment de crise m’a permis de me tester, c’est un défi qui m’a permis de grandir en affrontant de nouvelles difficultés et de croire de plus en plus en l’avenir, en la solidarité et dans les valeurs de la vie.

  • Comment gérez-vous l’angoisse et le stress?

Par l’introspection et par des activités qui me divertissent, des activités liées à mes passions comme le sport, l’équitation, sortir avec des amis, la prière et surtout j’essaie toujours de cultiver le côté positif surtout pendant des moments difficiles comme ceux que nous avons connus cette année lors du lockdown.

  • Êtiez-vous en famille ?

Je vis seule, ma famille est éparpillée partout dans le monde et quand je peux, je vais leur rendre visite. Malheureusement je n’ai pas beaucoup de temps libre mais quand je suis avec eux j’essaie d’en profiter au maximum. Ma chère grand-mère et quelques oncles se retrouvent dispersés au Maroc entre Casablanca et Tanger, Rabat et Khemisset. Ma sœur Sakine s’est récemment mariée, elle m’a déjà donné un magnifique neveu et vit à Bologne dans le centre de l’Italie, mon père vit à Catanzaro dans le sud de l’Italie avec sa femme et mes deux petites sœurs, mes oncles sont à Pérouse et Mantoue, ma mère à Zurich avec son mari et mon petit frère Youssef, ma famille paternelle en France, Hollande et Canada, ma famille maternelle en Amérique, en Allemagne et en France, j’ai aussi des cousins ​​en Espagne les Bezzaz et Adib sont vraiment partout.

  • Qu’appréhendez-vous de cette crise sur notre vie future?

Je crains que le monde puisse s’isoler derrière les ordinateurs et les téléphones, en particulier le smart working et le télétravail qui nous ont permis d’avancer pendant la quarantaine mais qui pourraient nous faire perdre les interactions sociales qui font la beauté de l’humain.

  • Qu’allez-vous cesser de faire après cette expérience?

J’ai appris à donner plus d’importance à la liberté de mouvement que nous tenons tous pour acquise. C’est rare que je passe du temps à la maison. Mon travail me fait voyager et rencontrer beaucoup de monde et j’ai continué à le faire même pendant la crise. Je n’ai jamais arrêté. Et je crois que je n’arrêterai pas de le faire, la liberté d’action, de parole et de mouvement a toujours été l’un des piliers de ma vie.

  • Quel regard portez-vous sur la gestion de la crise au Maroc?

Je crois que le Maroc a très bien géré la crise, le peuple marocain est un peuple affectueux, les gens ont l’habitude d’être ensemble, alors imposer des règles aussi rigides et de les faire accepter a certainement été le résultat d’une politique bien étudiée et assurée par le pouvoir. En tant que Marocaine, je sais aussi à quel point nous sommes solidaires. Je suis sûre que personne n’a été abandonné, laissé de côté. Je suis d’ailleurs fière des mesures entreprises par SM le Roi Mohammed VI, sanitaires et sociales rapidement et avec efficacité.

  • Qu’avez vous à dire à vos fans marocains?

Que je les aime! même s’ils ne comprennent pas la langue! (rires) Beaucoup me suivent à la fois à la télévision et sur les réseaux sociaux en m’écrivant pour me demander des traductions de ce que je fais et ce sont des observateurs attentifs, et c’est certainement l’un de mes publics préférés, probablement le plus sincère. J’espère un jour avoir l’opportunité de travailler pour la télévision marocaine, je pourrai ainsi m’exprimer dans ma langue et me faire mieux connaître de tous.

  • Que gardez-vous de vos racines ?

Je n’ai jamais vécu avec ma famille au Maroc mais dans le futur j’aimerais me consacrer à l’étude de la langue et de la culture berbère car ce sont mes racines. Connaître mes origines profondément me manque vraiment.

  • Et avoir des enfants?

J’aimerais avoir une grande famille. Si je n’étais pas si occupée avec le travail et les engagements je pense que j’aurais déjà six enfants … Cependant il y a du temps, je suis encore jeune et Yallah ….« Quand il y a une destination, le désert devient aussi une route ».

  • Une chose inspirante que vous faites chez vous en confinement et après confinement?

J’ai beaucoup travaillé sur moi-même. Je me suis aussi consacrée à la lecture, cela m’a permis d’attraper des livres que je n’avais jamais eu le temps de lire. J’ai fait de l’activité physique avec mille trucs que j’avais à disposition à la maison. Pendant la période du Ramadan en quarantaine, j’ai intensifié la prière et ma quête de spiritualité. Cela m’a aidée à puiser la force nécessaire pour continuer dans cette situation difficile. J’étais parmi les rares personnes qui sont allées travailler, alors même que j’évolue dans l’une des plus grandes zones rouges d’Italie qui a enregistré le plus grand nombre d’infections et de décès. Après le travail, il était obligatoire que je rentre à la maison et que je reste isolée de tout et de tout le monde.

  • Faites vous une action envers les démunis et les vulnérables en Italie et ailleurs?

Partout dans le monde, dans n’importe quel pays, à tout moment, je serai toujours prête à aider ceux qui en ont besoin. Je crois que notre rôle sur terre est de rester proches et de nous soutenir mutuellement en respectant toute forme de vie.

  • Comment vous est venue l’idée merveilleuse de finir vos reportages pas des youyous?

L’idée de la Zaghrouta est née lors de la réalisation de l’audition pour l’émission Striscia la Notizia, avec une de mes collaboratrices et auteures basée à Abu Dhabi et qui connaît la culture arabe. On cherchait un moyen de terminer la représentation par un hymne à ma culture et à mon pays et qui toucherait en même temps tout le monde. Alors un cri berbère nous semblait parfait. Le hic c’est que je ne l’avais jamais fait et je ne pensais pas en être capable, je ne pensais pas que je pouvais proliférer ce son avec puissance. En fait c’était suffisant d’essayer une seule fois! Nous, les Arabes, avons ce cri en nous, c’est dans notre ADN. Maintenant l’Italie entière connaît la Zaghrouta à tel point que les gens m’arrêtent dans la rue pour me demander un youyou, parfois ils le font eux-mêmes. Les enfants aussi sont devenus des as du youyou marocain.

  • Vous aimez la mode bien sûr, portez vous des caftans à l’occasion? Même à la maison?

J’adore la mode en général. Quand je vois des femmes arabes mélanger l’Occident à notre culture, cela donne un mix d’une beauté incroyable. C’est très apprécié et j’en suis très fière. Je porte bien sur des caftans, des jellabas également. C’est pour moi un grand bonheur de représenter ma culture aussi à travers ce que je porte. Et c’est tout mon univers de prédilection.

  • Votre couturier italien préféré?

Valentino. Ses vêtements sont d’une beauté unique, ils reflètent la personnalité d’une femme élégante, sensuelle, forte et en même temps extrêmement féminine.

  • Seriez-vous engagée pour que les circuits industriels de la mode changent afin de commencer une nouvelle ère d’un sustainable généralisé?

Absolument! Nous sommes dans l’ère du consumérisme et soutenir des jeunes stylistes célèbres qui ont une production qui respecte les animaux, la nature et l’environnement est un devoir pour nous tous. Il faut sensibiliser les gens de toutes les manières possibles y compris à travers la mode. Stella Mc Cartney nous enseigne et nous donne certainement de nombreux exemples de mode durable sans perdre de style.

  • Quelle autres choses seriez prête à abandonner dans votre vie urbaine de tous les jours pour améliorer et respecter l’environnement?

Je renonce volontiers à l’usage excessif de la voiture, en fait j’ai le permis mais je ne possède pas de voiture par choix, je préfère marcher et utiliser des moyens de transport alternatifs et non polluants surtout le vélo.

  • Ferez-vous un youyou quand le monde vaincra le covid-19?

Quand l’épidémie se terminera, je ferai une Zaghrouta que tout le monde entendra de Milan à Casablanca. Un hymne à la joie et à la vie, dédié au monde entier.

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