Cinéaste et écrivain prolifique, Hicham Lasri sort un nouveau roman baptisé « Punk Fitna ». Il nous transporte dans une Tanger futuriste et troublée, où s’entrelacent science-fiction, mysticisme et critique sociale. Entre lyrisme et subversion, l’auteur nous dévoile les inspirations derrière cette histoire, son héroïne Nora, et l’écho puissant de ses thèmes dans notre époque.
Qu’est-ce qui vous a inspiré pour écrire Punk Fitna et choisir l’Interzone comme décor de cette histoire dystopique ?
Nous vivons une époque, vulgaire, et parfois on confond, popularité et culture. Ce qui m’intéresse, quand j’écris, c’est de convoquer l’imaginaire, la folie, la sidération, et de créer quelque chose de lointain mais qui se connecte avec notre monde. Je suis Marocain et fier de l’être. et tout mon travail tourne autour de ma culture. Mon dernier film était classé numéro 1 au top 10 Maroc de Netflix. et malgré cela on se retrouve toujours dans une position ou la culture et reléguée dans le siège passager, Voir ignorée. on ne donne pas de Wissam, ni de lauriers aux gens de la culture. On le donne seulement à des chanteurs sans chansons, des Acteur sans Film. Des célébrités sans talent et Pire parfois : à des imposteurs! ce qui envoient un mauvais signal pour les artistes et les créateurs qui finissent par trouver la reconnaissance seulement ailleurs. Et j’en suis l’exemple. c’est en partant de ce postulat, de cette émotion que l’idée de Punk Fitna a germée dans ma tête. On y parle, de Tanger, de l’Interzone alors, mais aussi de la folie des hommes dans un cadre de science-fiction, à la fois lyrique et effrayant qui ne va pas plaire aux pigidiste de base, toujours méfiant, chaque fois qu’on froisse tout ce qui est conformiste.
Le titre Punk Fitna est intrigant et provocateur. Pourquoi avoir associé le punk, un mouvement de rébellion, à la « fitna », ce terme arabe symbolisant le trouble
Le titre est une manière de faire télescoper deux univers qui coexistent dans le monde sans aucune possibilité de se croiser. Je trouvais intéressant à travers le récit de Nora et de son nouveau job dans ce monde occulte de travailler sur un mélange mystique et musical en convoquant les fantômes des années 70 et les émotions, les troubles et un certain vent contestataires, mais ça reste, une histoire et pas un pamphlet ni un pensum, c’est le récit d’une Sabine moderne, prise en otage par un monde aux abois qui fonce tête baissée vers l’extinction de la race humaine. Et notre personnage, Nora, est la seule capable de le sauver. Je ne vais pas spoiler ! les amateurs de science-fiction, et les curieux de lecture pourront voir par eux-mêmes.
Nora, votre héroïne, découvre un univers oppressant après avoir accepté une mystérieuse offre d’emploi. Pourquoi avez-vous choisi de placer le lecteur dans la même incertitude qu’elle ?
C’est un voyage dans ce qu’il a de plus pur et singulier, un voyage vers l’inconnu pour le personnage principal, Nora, et bien sûr, le lecteur. Nora n’est que le passeur qui prend la main du lecteur pour lui faire traverser le labyrinthe. Il y a du mystère, du suspense, une part de folie et de surréalisme à la hauteur d’un monde où une menace millénaire vient perturber son fonctionnement. j’avais envie d’écrire un récit haletant, qui fonctionne aussi comme une aventure intérieure, celle d’une femme blessée par le monde et qui a la grandeur de ne pas chercher à se venger de ce monde.
Votre style mêle des éléments visuels et poétiques. Pouvez-vous nous expliquer comment votre approche cinématographique influence votre écriture littéraire, surtout dans Punk Fitna ?
C’est très facile de prendre le raccourci suivant: Ce n’est pas parce que je suis Scénariste et cinéaste que ce que j’écris relève seulement de l’outil technique visuel. Mon intérêt dans l’écriture littéraire, C’est le style d’abord, le flow, la manière d’écrire, l’approche, d’autant plus que j’écris dans une langue qui n’est pas ma langue maternelle. Ce qui invite à une forme de braconnage, qui pour moi est à la fois amusant et stimulant. J’essaye d’éviter ce que Céline a dit à propos des graphomanes : je ne veux pas grouiller dans les phrases! J’essaye d’apporter une particule, une singularité, une audace, à notre littérature en proposant autre chose que des histoires d’amourette pour des vieux, par des vieux, ou des récit naturalistes, journalistiques, en évitant d’étaler mes propres trauma pour faire passer tout ça.
Vos œuvres abordent souvent l’urbanité, la marginalisation et la crise sociale. Selon vous, en quoi ces thèmes résonnent-ils particulièrement avec le public d’aujourd’hui ?
J’ai toujours été impressionné et fasciné par le crash de 1929. Le Dust bowl, les raisins de la colère, et le livre On achève bien les chevaux. J’essaye toujours d’être dans une sensorialité qui me permet d’être moderne, c’est-à-dire actuel, parlant de problématiques contemporaines mais à travers le prisme d’un imaginaire débridé pour métaphoriser tout ça et accoucher d’un récit plus important, et pas seulement de faire un travail descriptif de notre société et de son évolution dans son urbanité ou sa ruralité. Ce qui m’importe, c’est l’invention de personnages fictifs de les toucher par la grâce de l’écriture pourront faire des personnes.
Mohamed Bakrim compare votre style à celui de David Cronenberg, notamment par la métaphore du corps en crise. Que pensez-vous de cette comparaison, et quelle est la symbolique du corps dans votre roman ?
La référence de Mohammed Bakrim est très judicieuse et maline mais seulement pour ceux qui connaissent le travail de David Cronenberg, grand signe de la chair et de ses métamorphoses. C’est une référence flatteuse évidemment. Mais expliciter le sens de la référence de Mohamed Bakrim, dévoilerait un peu trop de l’intrigue, ce que je ne ferai pas ici.
À travers Punk Fitna, quel message souhaitez-vous transmettre sur la modernité, la technologie, et la « dérégulation » du monde contemporain ?
Punk Fitna est une proposition romanesque, espiègle, délirante, amusante et surtout sincère. C’est une célébration de la femme toutes les femmes, grâce à qui on peut faire des choses à commencer par mon éditrice Nadia Assad qui porte ce projet avec moi depuis sa première étincelle. Et merci.