Marrakech — Il est des visages qui ne s’oublient pas, des regards qui traversent le temps, des voix qui semblent porter l’âme entière d’un peuple. Fatima Hernadi, que le Maroc appelle avec tendresse Raouya, est de celles-là. Mardi soir, au Festival International du Film de Marrakech, elle n’est pas simplement montée sur scène : elle y a avancé comme on revient à un lieu intime, familier et indispensable.
La salle, debout, l’a accueillie comme on accueille une mère, une sœur, une artiste qui nous accompagne depuis toujours Et lorsque Raouya a posé la main sur la Golden Star qui lui était décernée, un frisson a parcouru la salle , un frisson de gratitude.
Une femme née pour jouer, née pour émouvoir
Fatima Hernadi est née à Azemmour, mais elle aurait tout aussi bien pu naître dans une légende. Elle a le port noble des femmes qui ont traversé les épreuves, la chaleur des gens simples, la force de celles qui ont choisi l’art comme on choisit un destin.Avant d’être l’actrice consacrée que l’on connaît, elle a été femme de théâtre, femme de scène, femme de vérité. Quand elle joue, rien n’est appris : tout est vécu, senti, offert. C’est cette vérité brute, presque troublante, qui a attiré les plus grands réalisateurs marocains, de Jillali Ferhati à Saâd Chraïbi, de Narjiss Nejjar à Nour Eddine Lakhmari. Avec eux, elle n’a pas joué des rôles. Elle a incarné des vies. Des vies de femmes blessées, résistantes, dignes, bouleversantes.
Des films qui ont marqué une génération
Qui pourrait oublier son rôle bouleversant dans Les Yeux secs ? Ou sa profondeur dans Thirst (Soif) ? Ou encore sa présence solaire dans Rock the Casbah ? Elle ne cherche jamais à plaire.Elle cherche à faire vrai.Et c’est exactement pour cela que le public l’aime, passionnément. Toutes générations confondues ! Même les réalisateurs internationaux l’ont vue : Claude Lelouch, Xavier Beauvois… tous ont reconnu en elle cette lumière rare, ce quelque chose qui dépasse le jeu, qui touche à l’essence même de l’humain.
Une actrice, oui, mais surtout une présence incontestable
À la télévision, elle éclaire l’écran comme un foyer éclaire une maison. Dans Mindil Sfia, Jabarout ou Saison sèche, elle apporte cette chaleur familière qui fait dire au public : “Tiens, Raouya est là. Alors ce sera bien.” Car elle n’est pas seulement une actrice. Elle est une voix. Une âme. Un morceau vivant du patrimoine marocain.
Le moment où Marrakech s’est arrêtée pour elle
Lorsque Nour Eddine Lakhmari lui a remis son prix, la salle a retenu son souffle. Raouya a alors pris la parole, avec cette modestie qui n’appartient qu’aux grands :
« Je suis reconnaissante… pour l’amour du public, et pour notre Roi qui soutient les artistes. »
Pas un mot de trop. Pas un mot trop fort.Juste ce qu’il faut pour toucher, comme toujours. Et tandis qu’elle parlait, beaucoup dans la salle avaient les yeux embués. Parce qu’on ne regardait pas simplement une actrice honorée. On regardait une femme qui a donné sa vie à l’art, avec une générosité rare.
Une grande dame. Une très grande dame.
À l’heure où les projecteurs de Marrakech s’allumaient sur elle, on avait la sensation d’assister non pas à un hommage, mais à une reconnaissance collective. Comme si tout un pays disait enfin :
« Merci, Raouya. Merci pour tout ce que tu nous as donné. Merci pour ta force, ta douceur, ton humanité. Merci d’être entrée dans nos vies et de ne jamais en partir. »
Fatima Hernadi n’est pas seulement une actrice honorée. Elle est une histoire, une émotion, un héritage. Une femme dont la carrière raconte un Maroc profondément humain. Une femme qui, de film en film, continue de nous rappeler que la grandeur ne se mesure pas au nombre de prix… mais à la trace que l’on laisse dans le cœur des gens. Et la sienne, cette trace, est indélébile.
Et puis, ce moment avec Lalla Oum Keltoum…
Parmi les instants les plus émouvants de la soirée, Raouya évoque volontiers, avec une pudeur attendrie : la rencontre avec Lalla Oum Keltoum.
Lorsqu’elle s’est avancée pour la saluer, Lalla Oum Keltoum l’a enlacée avec une chaleur spontanée, presque familiale. Et dans ce geste simple, dans ce sourire qui ne trichait pas, elle lui a soufflé ces mots qui ont illuminé le cœur de l’actrice :
« Je vous adore. »
Raouya en a été profondément touchée. Car il y a des compliments qui flattent… et d’autres qui réparent. Celui-là, avoue-t-elle, l’a enveloppée d’une douceur rare , comme si la grâce d’un instant venait couronner toute une vie d’art et de sincérité.



































